Des fois

 

 

 J’ai vu un bateau et des vagues et un grand soleil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hier j’ai planté un rosier sur ma future parcelle de Cote de Brouilly. Il était en train de mourir dans mon pot, alors je lui ai redonné sa liberté. Sa liberté près de la cadole, cette cadole à qui on va faire un lifting dans un avenir proche (tout comme le puits d’ailleurs). Le rosier est un peu faible, mais je suis sûr qu’il va se plaire ici et nous faire de belles roses. J’aime beaucoup les roses et j’aime aussi beaucoup la lavande.

Avant,

mon père avait planté un gros lavandier à la maison et il mettait toujours des brins dans la poche de ses chemises. Ça sent bon dans le linge.

Des fois on prenait la CX ou bien le J7 et on allait chercher « le Chinois », le Chinois c’était Kader mais il voulait qu’on l’appelle « Chinois ». Et il habitait dans un squat à Villefranche. On garait la voiture dans l’herbe, il y avait un petit sentier à travers les fourrés, je me souviens des orties et de quelques plantes urticantes qui me fouettaient les jambes. J’avais un short bleu marine, le même que Marc Landers (en théorie).Parce qu’avant d’être un bowling et une brasserie c’était un squat.

Je le revois au ralenti cracher la fumée de sa gitane maïs, ses moustaches, ses cheveux noirs bouclés. Des fois il était là, des fois il était pas là. Des fois il voulait venir des fois il voulait pas venir. 

« Dis donc Coco, chante-moi un truc et je viens ».

Coco c’était moi.

Alors je fredonnais un truc qu’on avait appris à l’école et il se levait. Et alors on partait tous, des fois directement dans les vignes, des fois on s’arrêtait au bistrot.

Dans les bars reubeus, les patrons n’ont jamais fait payer à mon père mes coca cola. Ils disaient à mon père « Ici, pour les enfants c’est gratuit. » Des fois certains bars nous refusaient parce que « Chinois » avaient eu des embrouilles en zonz. Une vagabonde qu’il aimait, mais elle, elle l’aimait pas, elle en aimait un autre alors il avait pété un plomb sur le mec qu’il avait confondu…

Bref c’était des trucs de grands. Sur le tabouret, j’avais les jambes trop courtes pour toucher le repose-pieds, ça m’énervait. Le bar c’était du faux marbre… Enfin je crois.

Je les revois tous, Chinois, Lulu, Dédé, La Dactylo, Jean-Louis, Mon Simon… et je sens encore leur gitane, je revois ces paquets bleus et cet aluminium à sortir sur les paquets neufs.

 

Des fois dans les vignes, j’entendais le bruit des cisailles et le bourdonnement du transistor. Et l’orage menaçait, on attendait le dernier moment.

Une fois à l’abri, je sortais mes crayons de couleur.

Je revois ma mère allumer un cierge et me rejoindre près les crayons de couleur. Mon père sur la terrasse laissait la porte ouverte et réglait ses comptes avec le ciel, toujours le poing levé mais pas pour viser la lune.

 

Des fois à L’université du Vin de Suze la Rousse, j’avais du mal à critiquer les plats ou les vins. Parce que j’aimais tout. Il ne faut pas que je sois critique culinaire parce que je ne dirai jamais au mec que je n’ai pas aimé. Jamais je ne serai dégustateur pour la presse, parce que je sais trop l’énergie que ça coûte de faire du vin, et je suis sûr que je mettrai 20/20 à chaque fois. Tout est tellement subjectif. Idem si j’étais jury pour des épreuves scolaires, je ne mettrai pas 20 mais tout le monde aurait 15.

Des fois mon père avait un renseignement à demander à Sclenard, Sclénard c’était le mécano légendaire du sud Beaujolais. Surement un cousin à Freddy les doigts de fée. On passait de ferme en ferme ou de garage en garage  pour le trouver, alors on le chopait au vol et pleins de mecs arrivaient à la cave. Et la cave était fraîche, je mettais du temps à m’habituer à l’obscurité. Le sol de la cave c’était du gorh, du gorh rouge. Le gorh c’était des petites caillasses en fait.

Des fois quand je me concentre, je me souviens très bien de chaque bruit de démarrage de chaque machine, de chaque véhicule que mon père utilise ou utilisait.

Des fois chez les paysans, on buvait l’eau ou le vin dans des verres à cantine. Des fois je pouvais voir mon âge au fond, des fois pas, on m’avait dit « tu sais Maurice c’est pas la fée du logis. »  

En fait Maurice avait déjà 20 ans d’avance sur la dégust’ à l’aveugle.

Je me rappelle très bien de l’épaisseur des tranches de jambon cru que la mère à Didier nous servait après la corvée des foins. J’entends le bruit du papier du boucher qui se déplie.

 

Une fois j’ai fait des portraits à la maison de retraite où il y avait ma grand-mère. J’ai de beaux portraits que je n’ai jamais utilisé. J’ai remarqué que tous les anciens avaient beaucoup de trucs à me partager. On prend pas assez le temps de partager des fois.

Une dame qui ne parlait plus et ne voulait plus rien faire s’était levée, préparée, changée et avait mis sa plus belle broche pour avoir un portrait.

Elle attendait, là, devant moi, sans dire un mot. Juste un sourire.

 

Avant pendant les vendanges, il y avait aussi « Chagrin ». Chagrin on sait juste qu’il était écarisseur vers Lapalisse. Mais Chagrin il avait une dégaine du vieux Paris, un pif aussi gros que sa gouaille. J’aurai du le prendre en  photo,, il avait une gueule.

 

 

 

Si je reviens en Beaujolais, c’est pour faire partie des meilleurs.

 

En fait je n’ai pas trop le choix.

Si je reviens, ce n’est pas pour enfiler des perles. Et si jamais je pars ailleurs, je défendrai toujours le Beaujolais car je sais qu’ il fait partie des grands terroirs.

Je n’ai pas remarqué avoir gagné ma vie en tant que chef d’exploitation dans le passé, il va falloir que ça change, il faudra que beaucoup de choses changent.

Comme ma mère prend ses pinceaux, je ferai de mes vins des toiles.

Comme le Béné de mon père, mon moral devra avoir un moteur anglais « Perkins » et mes reins un double essieux pour encaisser les 200 tonnes de pression.

Je n’avais pas compris certaines choses… Je vais continuer de découvrir. J’espère que vous ne m’en voulez pas de ne pas avoir réussi tout de suite, ni de n’avoir pas compris tout de suite…

 

Des fois un brin nostalgique, quand je ne sais plus où il faut aller, que je doute, je retourne dans le passé.

Je ressors mes cahiers de texte, les photos de classe, la dictée magique…. Et surtout je prends le temps d’écouter.

 

J’arrive en Beaujolais avec des papillons dans les poches mais un mental de Nak Muay.

 

 

 

Je constate beaucoup.

Maintenant j’ai envie de contempler, 

de contempler les océans,les bateaux, la vigne, la vie

 

 

 

 

 

Pour vous prouver que j’ai un monde pas comme les autres, je voulais vous dire aussi que vous pouvez trouver mes vins sur Berlin!

Jusque là rien d’extraordinaire me direz-vous mais je suis trop content d’avoir pu livrer les cartons avec un vaisseau spatial.

J’entends encore le bruit du starter.

 

 

 

 

 

 

 

Hier j’ai planté un rosier sur ma future parcelle de Cote de Brouilly. Il était en train de mourir dans mon pot, alors je lui ai redonné sa liberté. Sa liberté près de la cadole, cette cadole à qui on va faire un lifting dans un avenir proche (tout comme le puits d’ailleurs). Le rosier est un peu faible, mais je suis sûr qu’il va se plaire ici et nous faire de belles roses. J’aime beaucoup les roses et j’aime aussi beaucoup la lavande.

 

 J’ai vu un bateau et des vagues et un grand soleil.

 

 

#sincèrement

 

David