Saint Vincent 2014
17h35
Je me réveille trop tard de la sieste.
Ma sonnerie de rappel, mon snooze me gifle avec un bon vieux « He’s Frank « d’Iggy pop et les BPA.
Je prends un verre d’eau pour me rincer le gosier,
mais c’est bizarre l’eau a un drôle de goût et une couleur un peu rosée?!
18h00
Je n’ai pas le souvenir de la route pour aller à la salle des fêtes, mais toujours est-il que j’amène tous mes échantillons pour aider à préparer cette Saint Vincent.
On goûte,
on sluuuuurp,
on recrache,
on mâche,
on gniak gniak,
avec un goût de reviens-y.
Jules Jeunerie nous explique comment il installe les foudres dans le nouveau chai du Château de Pizay, et surtout son dernier bouquin sur Napoléon, car le Jules, il est fan de Napoleon, et on déconne pas avec l’histoire, l’Histoire avec un grand H même.
Ma grand-mère nous a accompagné aussi. Je dis « nous » car mes parents et ma soeur sont venus aussi pour la Saint Vincent.
Ma grand-mère aime bien taquiner et elle reparle avec la grand-mère Roche. Elles se reparlent parce qu’elles étaient brouillées… A cause d’une histoire de bugnes à l’Amicale des anciens.
Soit disant que les bugnes de la mère Rénoir étaient meilleures, du coup ma grand-mère a pris la mouche et a fait son pactage à l’époque… Ca me rappelle des réunions de syndicat ça (à peu de choses près).
Lucien Sclenard est passé aussi pour goûter un peu. Il préfère les vins vieux. Sclenard je l’aime bien moi, il a une dépanneuse Citroën C4 de 1930. Et depuis que je suis tout petit, je rêve de faire un tour dedans… Un jour je lui rachèterai! Il me demande souvent si je me rappelle qu’il m’avait offert une Renault R5 Tinky Toys, une replica.
Mon père et Bernard se remémorent quand ils avaient foutu le bordel au cinéma de Chambost. Tellement le bordel que la séance avait été coupée, qu’ils avaient défié les mecs à 4 contre 20 mais qu’ils y allaient tellement au culot que personne n’a osé les toucher… Ils ont reparlé de la manif à Lyon, quand Raymond Barre avait taxé les Beaujolais Villages et taxé les producteurs de petits fruits. Les vignerons du Beaujolais avaient été demandé en renfort pour faire du nombre à Lyon.
Ca avait bardé aussi mais cette fois les CRS ont été les plus forts.
C’est là où j’ai compris depuis petit que la fourche perd contre la matraque,
que le sexe perd face aux soucis,
mais que l’union fait la force.
Qu’il faut mettre une bonne paire de baskets si tu veux revendiquer dans la rue,
que le CRS tire de loin,
et que les RG font du comptage en faisant semblant de brailler avec toi.
En milieu de dégustation Pierrot est tellement bourré qu’on l’assoit sur des anciens sacs de gène. Quand il est bourré, ça le rend nostalgique. Ca me fait penser à Patrick.
Patrick il dit:
« Des fois les gens n’avancent pas vite dans leur vie parce qu’ils ont un petit pare brise et un gros rétroviseur. Ils restent souvent sur leur passé et ne regardent pas beaucoup l’avenir…. Un gros rétro… Un petit pare brise… et tu perds un temps précieux. »
Henri Morel se pointe avec un pull rouge camionneur. (Pas rouge camionneur, c’est le pull qui est camionneur)
Une femme du village que je ne connais pas, une nouvelle arrivante, trouve le vin numéro 6 un brin sauvage et ça lui plait. Et elle le met en pole position.
Il s’avère que c’est le vin de l’Henri.
Le truc stressant dans la Saint Vincent, c’est que j’ai du mal à reconnaitre mes vins dans la foule de cagoules… Mais c’est un très bon exercice!
J’ai un peu la gerbe, je sais pas si c’est la chaleur mais je me sens tout flapi.
en plus j’ai des musiques dans la tête…
« Sometimes » de Bessie Jones ,
« Love Hangover » de Diana Ross,
« Chase the devil » de Max Romeo.
Allez savoir pourquoi. Mais bon cette sensation passe vite.
Tout le monde prend de mes nouvelles et je n’arrive pas à répondre à tout le monde, je me noie dans mes explications,
J’aimerais prendre toutes les personnes présentes dans mes bras mais j’ai vraiment du mal à avancer, j’ai les jambes en coton.. Comme une mauvaise grippe. Je suis timide et très réservé de nature.
Je sais que je regretterai de ne pas l’avoir fait quand je serai dans ma voiture sur le retour à Valence…
Gentiane n’arrive toujours pas et pourtant c’est fléché depuis la porte d’Orléans…
« Le prix de l’hectare en villages est à 250000 francs… 300000 même il parait que le père Zimouli a revendu au fils Stingue. »
J’aime ce Gamay et tous ces gens. Tous ces gens qui donnent du relief au Gamay, celui que les ignorants dézinguent tant.
Allez je termine sur le dernier échantillon,
je plonge mon nez dedans,
je ferme les yeux,
je n’entends plus rien.
Plus aucun bruit.
L’odeur de fleur qui se dégage m’envoie des flashs:
Un mégot de cigarette jeté en pleine nuit sur l’autoroute,
les cendres oranges qui rebondissent.
L’odeur d’eau de cologne restée sur la serviette de quand j’étais écoeuré quand j’étais petit.
La rugosité du siège du Béné.
L’odeur de bave sur mon oreiller avant mon brevet des collèges.
Le premier mot écrit à Gentiane avec un stylo avec l’encre qui sentait la pêche.
Mon premier baiser donné à Gentiane.
Notre premier Coca Cola à deux.
La douceur de sa main au deuxième rendez-vous.
Le souffle d’Ourasi.
Le bruit de pot d’échappement d’une Harley Davidson au ralenti.
Le parfum de ma mère.
L’odeur des bras de mon père.
Ses brins de lavande dans ses chemises.
La porte du garage qui couine.
Voilà ce Beaujolais est mon coup de coeur.
J’enlève la chaussette mystère et c’est le vin de _______
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14h30
Mon réveil sonne vraiment.
J’ai juste rêvé…
Un bon vieux rêve à l’ancienne.
La Saint Vincent c’est tout à l’heure.
D’abord je vais voir Joachim au championnat de France de pâtisserie,
ensuite on verra.
Je monte dans le Kangoo… Ce bon vieux Kangoo qui tousse toujours autant mais qui m’emmène toujours un peu plus loin.
Peu importe que je devienne Duc de Brouilly ou Prince des crus, que je fasse le meilleur vin du monde ou le meilleur vin du coin.
Ce qui m’importe c’est de savoir si tu m’aimeras toujours autant quand on aura 80 ans.
Si on sera toujours aussi à l’aise en 504 break chargée (allez montez les neveux), qu’en Mercedes CLS.
Si je serais toujours capable de te séduire malgré la vieillesse.
Qu’on passera contre vents et marées.
Si tu m’aimeras toujours si je deviens obèse ou dégarni ou les deux à la fois.
Si je serais toujours capable de te faire rire, même en maison de retraite.
Si je serais toujours capable de faire des doigts d’honneur aux radars mobiles, aux banquiers et aux médecins pessimistes.
Si tu te souviendras toujours de moi et que tu ne m’appelleras pas monsieur, enchanté.
Qu’on trinquera toujours sur un Beaujolais Villages blanc, un 2002, ou un 1986 de Regnié.
Que je serais toujours un des rares à dire,
sans raison,
Nique sa mère
dans le milieu du vin,
En conjugaison,
quand je le veux,
très habile,
Non rien de rien, je ne regrette rien.
Dorénavant, un grand pare brise et un petit rétro.
ps: j’ai actuellement« Pressure Drop » des Toots en the maytals dans la tête.
Cordialement,
Aimons-nous les uns les autres,
Même si nos gueules ne nous reviennent pas forcément.